71 jours sans sommeil
Bonjour,
Un dramaturge européen contemporain nous dit dans un de ses poèmes :
" Quand la brèche entre riches et pauvres sélargit les choses deviennent barbares ! "
Je crois en la véracité des mots du poète européen Edward Bond.
Préambule : Images et sonorités
Quand jarpente les rues de Paris, de Bruxelles, de Gênes ou dAthènes, quand jentre dans les Mapans de Yaoundé ou de Libreville, quand jécoute les multiples voix dEurope et du monde qui arrivent par lamplificateur du poste radio, je visualise de plus en plus précisément cette brèche dont parle Edward Bond.
En tant que citoyenne, la vision quotidienne de cette brèche-là mappelle à voter NON le 29 mai prochain.
Aux abstentionnistes, je nai que peu de chose à dire (pour le moment) :
Je rêve seulement quils ne se croisent pas les bras, le 29 mai prochain dans l'attitude du spectateur blasé, car ce que lon nous propose ici n'est pas un spectacle.
Pour celles et ceux qui sapprêtent à voter OUI, je propose le débat et 71 jours sans sommeil. Il nous reste peu de temps pour comprendre et débattre de ce texte indigeste que lon nous propose au référendum.
Pour que le NON sexprime le 29 mai 2005, je ferai dabord appel aux poètes morts car pour que le NON sexprime, 71 jours, cest court et nous aurons besoin de beaucoup desprits.
Je me suis toujours, librement, située dans lespace des utopistes et cest de cet espace dobservation-là que jécris, aujourdhui, en faveur du NON à la constitution européenne.
Les utopistes et les rêveurs ponctuels ont la possibilité aujourdhui, par ce NON dans les urnes, de dire STOP à lurgence, à laccélération du temps chronos institué pour tous, par une poignée d " élites spécialistes européens de léconomie mondiale ".
Cette accélération du temps chronos saccage les temporalités autres (le rêve notamment, linspiration entre autres, le temps nécessaire à la recherche, cest certain), saccage le temps sensible, le temps novere, le temps de limprévu.
Cette accélération du temps chronos saccage (et le poète européen René Char lavait vu) le dernier foyer : Celui de la rencontre.
Les utopistes et les rêveurs ponctuels ont la possibilité de dire NON à la montée de linsignifiance décrite par le poète et philosophe européen Cornélius Castoriadis.
Cette accélération du temps chronos détourne les lycéens, les universitaires, les chercheurs, les philosophes et les artistes de leur fonction première au sein de nos cités qui est de questionner.
Questionnons encore. Restons curieux :
Sommes-nous réellement face à un projet de constitution européenne ou face à la charte de léconomie libérale en Europe ?
Pourquoi cherche-t-on à nous faire peur, encore et toujours, en nous racontant quil y a urgence, que si lEurope ne se fait pas là maintenant, elle se fera jamais ?
Pourquoi cherche-t-on à nous faire croire que cette soi-disant constitution-là est immuable ?
Quelle est coulée dans le bronze ?
Pourquoi cherche-t-on à pétrifier le corps européen à peine né ?
Pourquoi cherche-t-on à nous faire croire quil nest quune Europe possible et que cest celle scribouillée sur un bout de papier par une " élite spécialiste européenne de léconomie mondiale " ?
Pourquoi cherche-t-on à nous faire adorer cette icône : une Europe croissante, puissante et, soi-disant garante dune paix pour les siècles à venir ?
Pourquoi cherche-t-on à nous faire croire au réalisme dune Europe éternelle alors que même les neiges du Kilimandjaro ne le sont plus ?
Si cette élite tient à nous faire croire quune nouvelle grande Cité est née, pour le bien de tous ses habitants, alors, jen appelle au poète européen P.P.Pasolini :
" Une nation nouvelle est née. Les problèmes sont infinis. Les problèmes ne se résolvent pas ; Ils se vivent.
Mais La vie est lente.
La marche vers le futur na pas de solution de continuité.
Le travail dun peuple ne connaît ni rhétorique, ni délai.
Son futur est dans la fièvre du futur.
Et la fièvre est une grande patience. "
Ce que lhistoire nous enseigne cest que le risque est grand sans la Patience.
Et cette accélération du temps chronos orchestrée depuis Bruxelles a le pouvoir de saccager les espaces-temps nécessaires aux mises en récit et à la mémorisation de notre temps présent.
Elle risque de saccager le temps nécessaire à la restructuration de toute pensée.
Heureusement, le 29 mai prochain, les rêveurs ponctuels ont la possibilité de dire NON à la société du spectacle décrite par lEuropéen Guy Debord.
De dire STOP à la disparition de la catharsis qui se prépare en Europe.
Utopistes et rêveurs ponctuels : Pouvez-vous accepter ce rite économique là (cette particulière " hominisation " du XXI éme siècle) quune poignée d " élites spécialistes européens de léconomie mondiale " nous proposent comme passage, sans être parfaitement conscients des effets sur votre vie de tous les jours, sur la vie de vos enfants et de vos petits-enfants ?
Avez-vous eu le temps de rêver à cette grande aventure que pourrait être une Europe libre, fraternelle, égalitaire et bienveillante ?
Jai létrange sensation quon ne nous a pas laissé le temps