Exposé des mensonges dans le matériel de vote

Publié le par Papyves83

Chaque citoyen français a reçu, avec son matériel de vote et le texte du projet de traité constitutionnel, un texte de 12 pages à en-tête de la république contenant notamment « un exposé des motifs » visant à présenter le traité aux français.

 

Or, sur de nombreux points abordés, le résumé ne reflète pas la réalité des choses. L’objet de ce document est de mettre en lumière les omissions, les boniments et les mensonges qui jalonnent ce résumé.

 

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*« La Constitution française conservera toute sa force »

Article I-6 : le droit de l’Union : « LaConstitution et le droit adopté par les institutions de l’Union, dans l’exercice des compétences qui sont attribuées à celle-ci, priment le droit des Etats membres ».

Ainsi le texte du traité, comme la jurisprudence de la Cour européenne de justice, montrent bien que, face aux textes européens, la Constitution française, comme d’ailleurs celle de tous les autres états membres, est impuissante.

 

*« Pour la première fois, des objectifs politiques, sociaux, écologiques et culturels viennent équilibrer les objectifs économiques»

Les objectifs du traité établissant la Communauté Européenne (article 2), actuellement en vigueur, ne sont guère différents :

La Communauté a pour mission, par l'établissement d'un marché commun, d'une Union économique et monétaire et par la mise en oeuvre des politiques ou des actions communes visées aux articles 3 et 4, de promouvoir dans l'ensemble de la Communauté un développement harmonieux, équilibré et durable des activités économiques, un niveau d'emploi et de protection sociale élevé, l'égalité entre les hommes et les femmes, une croissance durable et non inflationniste, un haut degré de compétitivité et de convergence des performances économiques, un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement, le relèvement du niveau et de la qualité de vie, la cohésion économique et sociale et la solidarité entre les États membres.

Les changements sont minimes mais, au final, seules la solidarité intergénérationnelle, la protection des droits de l’enfant et le marché «où la concurrence est libre et non faussée » font leur entrée dans les objectifs de l’Union. Il est mensonger de dire que « pour la première fois » des objectifs autres qu’économiques sont inclus. Le rééquilibrage serait même plu-tôt en faveur de l’aspect économique !

 

*« Le Parlement européen aura des pouvoirs renforcés »

Le renforcement du pouvoir budgétaire annoncé se résume en fait à la plus grande facilité pour le Parlement de rejeter le budget présenté par le Conseil, mais le Parlement n’a aucun pouvoir sur les recettes (l’impôt européen).

L’article I-54 stipule en effet que :« Une loi européenne du Conseil fixe les dispositions applicables au système de ressources propres de l'Union; il est possible dans ce cadre d'établir de nouvelles catégories de ressources propres ou d'abroger une catégorie existante. Le Conseil statue à l'unanimité après consultation du Parlement européen. Cette loi n'entre en vigueur qu'après son approbation par les États membres, conformé-ment à leurs règles constitutionnelles respectives».

 

*« Le Parlement européen élira le Président de la Commission »

C’est déjà le cas. Le seul changement introduit est l’obligation faite au Conseil de tenir compte des élections européennes pour désigner son candidat que le Parlement approuve ou pas.

Ce que ne dit pas l’exposé des motifs, c’est que l’article III-340 impose que les motions de censure (procédure de contrôle politique du gouvernement) soit adoptée à la majorité des deux tiers. La Commission peut donc gouverner avec le soutien de seulement un tiers des députés (plus un) et donc contre une large majorité des représentants des citoyens.

Le renforcement des pouvoirs du Parlement sont faibles et ne permettent pas à la représentation des citoyens d’exercer un véritable rôle de contre-pouvoir face aux institutions interétatiques (Conseil et Commission).

 

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*« Un million de citoyens auront le droit de demander… »

C’est exact, mais ce droit de pétition existe évidemment déjà. La Commission n’est en outre nullement obligée de tenir compte d’une telle pétition.

 

*« Plus d’efficacité grâce à la majorité qualifiée»

L’exposé des motifs présente la majorité qualifiée comme une nouveauté facilitant le fonctionnement de l’Union. C’est oublier que les majorités qualifiées existent déjà et que les nouvelles règles facilitent parfois la décision mais qu’elles la rendent plus difficile lorsque le Conseil et la Commission ne sont pas d’accord.

Les nouvelles règles renforcent donc le pouvoir de la Commission sur la procédure législative.

 

*« Le traité permet de former une avant-garde de l’Europe »

Le projet ne change pratiquement rien par rap-port aux textes en vigueur actuellement puisque la seule modification significative pré-voit, à 25 pays, qu’un Etat de plus est nécessaire pour pouvoir lancer une coopération…

 

*« La Constitution clarifie les compétences de l’Union »

Le projet est certes plus lisible que les actuels traités puisqu’il regroupe les compétences par catégories et en établit des listes. Par contre, à l’exception de l’apparition de huit nouveaux domaines, il ne change rien sur le fond !

En revanche, question clarification, ce projet n’intègre nulle part la liste des domaines où le Parlement n’a aucun pouvoir, c’est-à-dire dans 21 domaines dont la politique étrangère et de sécurité, le marché intérieur, les tarifs douaniers, la politique monétaire, la fiscalité, l’essentiel de la politique agricole, la sécurité et la protection sociales, les licenciements, le dialogue social.

 

*« Les Parlements nationaux veillent au respect du principe de subsidiarité »

L’information systématique des Parlement nationaux est une bonne chose, mais faire croire que ces Parlements auraient le pouvoir de bloquer une loi européenne est un vrai mensonge. Le protocole n°2 précise bien que la Commission « peut décider, soit de maintenir le projet, soit de le modifier, soit de le retirer».

 

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*« Des politiques européennes plus actives afin d’augmenter le pouvoir d’achat » Il n’est nullement fait mention de l’objectif d’augmentation du pouvoir d’achat dans le projet de traité. La coordination des politiques économiques et d’emploi est la simple transposition de ce qui existe aujourd’hui (articles 4, 98 et 99 du traité des Communautés européennes).

L’exposé des motifs propose un objectif aguicheur dans une période de revendication salariale, mais c’est une promesse qui n’engage que ceux qui y croient !

 

*« Les politiques économiques seront mieux coordonnées, en particulier au sein de la zone euro »

La Banque Centrale Européenne est toujours indépendante. Elle n’a de conseil à recevoir de personne, ce qui est une disposition unique au monde. Elle n’a qu’un objectif, la stabilité des prix. Le pacte de stabilité (déficit et endettement de chaque État membre encadrés) est maintenu. La meilleure coordination des poli-tiques économiques est en fait un renforce-ment des dogmes néo-libéraux qui, depuis plus de 20 ans, n’ont tenu aucune de leurs promesses.

« Les politiques prendront désormais en comptes les impératifs sociaux » (page 8)

L’exposé des motifs veut nous faire croire que l’Europe doit « désormais » faire mieux au niveau social. En fait, les objectifs rappelés existent dans les traités depuis plus de 20 ans. Pourtant le chômage de masse est une réalité en Europe (9 % selon Eurostat), la protection sociale s’amenuise (réformes dans tous les pays européens des retraites, des indemnités chômage, de la sécurité sociale, etc) et l’exclusion sociale progresse avec notamment le développement rapide des « travailleurs pauvres».

 

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*« Le traité fait de l’accès aux services publics un droit fondamental »

L’exposé des motifs nous vend du vent car l’ensemble des règles préjudiciables aux services publics existe déjà dans les traités actuels et est réaffirmé dans le texte sans qu’aucune disposition contraignante ne vienne les remettre en cause, ou même les modérer.

 

*« Le rôle des partenaires sociaux est reconnu »

L’exposé des motifs laisse croire qu’une avancée a été obtenue alors que le texte ne fait que reconduire ce qui existe déjà : les articles 138 et 139 du traité des Communautés européennes en vigueur aujourd’hui sont repris sans modification aux articles III-211 et 212.

 

*« Une meilleure coopération entre les services de justice et de police »

Encore une fois, l’exposé des motifs laisse croire qu’une avancée a été obtenue alors que le texte ne fait que reconduire ce qui existe déjà !

 

*« Un rapprochement des lois pénales »

L’article III-271 est un développement des articles 29 et 31 du traité de l’Union européenne. L’objectif de l’harmonisation des lois pénales et des procédures est déjà en vigueur aujourd’hui.

La procédure de décision reste bloquée à l’unanimité, comme dans l’article 34 du traité de l’Union européenne. L’exposé des motifs laisse croire encore une fois qu’une avancée a été obtenue alors que le texte ne fait que reconduire ce qui existe déjà !

 

*« Une politique commune contre l’immigration clandestine »

Les articles III-265 à III-267 sont une réécriture des articles 62 et 63 du Traité des Communautés Européennes. Encore une fois, l’exposé des motifs laisse croire qu’une avancée a été obtenue alors que le texte ne fait que reconduire ce qui existe déjà !

 

*« Le traité donne les moyens de soutenir le développement des pays pauvres »

Si le projet va plus loin que les traités existants sur la question du développement des pays du Sud, il confirme que l’Union européenne est un des moteurs de la mondialisation libérale dont les résultats en terme de développement sont plutôt calamiteux. La question centrale de la dette des pays du sud n’est pas abordée !

 

*« Le traité jette les bases d’une coopération plus étroite en matière de défense »

Ce que l’exposé des motifs ne dit pas :

a) Ces politiques sont mises en place à l’unanimité des 25,

b) « les États membres s’engagent à améliorer progressivement leurs capacités militaires» (I-41-3),

c) « la politique de l’union respecte les obligations découlant du traité de l’OTAN pour certains États » et « elle est compatible avec la politique de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre » (I-41-2),

d) la clause de solidarité en cas d’agression armée (I-41-7) indique que « les engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l’OTAN ».

Si le projet prévoit bien d’accroître la coopération en matière de défense, l’exposé des motifs ne dit rien sur la soumission de cette coopération aux objectifs de l’OTAN qui, comme nous le savons, est dirigé par un général américain. La défense européenne est donc soumise au veto des USA ! Quand à la coordination des achats de matériels militaires, elle ne vise pas à limiter les coûts de ces dépenses en améliorant la complémentarité des armées européennes, mais à coordonner l’augmentation des budgets militaires de chaque État membre.

 

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*«Le socle d’un nouvel élan européen ! » «Les Français y retrouveront les valeurs auxquelles ils sont attachés»

Malgré cette affirmation, trois valeurs fondatrices de la République ne sont pas au rendez-vous : la laïcité, l’égalité des droits et des devoirs, et la notion de bien public.

 

*«* Le traité consacre les garanties sociales »

Au final, ce projet n’apporte rien au niveau des garanties sociales si ce n’est de belles déclarations d’intentions soumises aux libertés fondamentales qui sont déjà garanties article I-4.

Ainsi, la libre circulation de l’argent, des marchandises et des services, dans un marché où la concurrence et libre et non faussée, est placée au dessus des droits sociaux !

 

*«* Le rôle reconnu aux services publics »

Ce rôle était déjà reconnu par l’article 16 du traité des Communautés européennes depuis le traité d’Amsterdam en 1997. L’exposé des motifs nous vend donc du « vent » car l’ensemble des règles préjudiciables aux services publics est réaffirmé dans le texte sans que des dispositions contraignantes viennent les remettre en cause, ou même les modérer.

 

*«* La garantie la diversité culturelle »

Les articles III-314 et III-315 sur la politique commerciale commune affaiblissent la règle actuelle de l’unanimité (droit de veto) pour la culture. Grâce à un renversement de la charge de la preuve, l’unanimité ne s’appliquera que si un Etat démontre que les mesures porteraient gravement atteinte à ses compétences propres !

 

*«* L’exigence d’une meilleure protection de l’environnement »

Les articles III-233 et 234 sont des copies mots pour mots des articles 174, 175 et 176 du traité des Communautés européennes ; rien de nouveau !

 

*«* L’ambition d’une Europe puissance »

En conservant l’unanimité sur les questions de défense (art. I-41-2 et I-41-4), d’action extérieure (art. III-293-1) et de politique étrangère (I-40-6), en s’assujettissant militairement à l’OTAN (art. I-41-2 et I-41-7), en confiant sa monnaie à une instance indépendante du pou-voir politique (I-30), en ouvrant à tous ses marchés de capitaux (art. III-156), le projet de traité instaure l’Europe comme une puissance «naine » sur la scène internationale. L’Europe restera au mieux une puissance supplétive et de toute manière une puissance sans voix.

 

C O N C L U S I O N

Ce traité nous permettra –t-il de « continuer d’aller de l’avant » ? Nous permettra-t-il d’approfondir « notre coopération avec ceux qui partagent nos ambitions et nos attentes » ? Est-il un « socle solide à notre engagement européen» ? Permet-il de « conforter les acquis de l’Europe » et de permettre « de poursuivre ses progrès » ? Non !

Publié dans Décortiquer le texte

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